Interprétation des œuvres réalistes de J.F. Millet (XIXe) : « Les Glaneuses et l’Angélus »

Thème de La Famille et de la pauvreté ; structure très classique. Là encore, le spectateur fait partie intégrante de l’œuvre.

Composition triangulaire et respect du nombre d’or (valeur 1/N = 1,618) travail très important de recherche de la profondeur par les jeux d’ombre et de lumière.

Regardez le dessin des oiseaux, l’attitude de la jeune femme enceinte, le 4 ème personnage en rouge est central ; c’est un point d’intérêt et de convergence des lignes de constructions qui permet la visualisation de l’ensemble sous une forme circulaire. »

Analyse de l’oeuvre  de Jean Pierre RÉMAUT par Marie José CAMAZON   

Librement inspiré de deux tableaux très connus du peintre Jean-François Millet (1814-1875), l’Angélus et Les Glaneuses, Vendredi de la 34ème semaine du temps ordinaire attire notre attention à la fois par le sujet représenté, la perfection de la construction, la tonalité et l’impression qui s’en dégagent.

Au premier plan, à gauche, un pauvre paysan qui semble être l’artiste lui-même, debout, torse nu, harassé par le labeur et vêtu d’un pantalon multicolore, offre un beau pain rond et doré à une toute jeune femme enceinte qui lui fait face, les mains posées délicatement sur son ventre rebondi et qui accueille ce présent avec douceur et humilité. Est-ce sa jeune épouse ? Est-ce sa fille, ou bien une âme solitaire rencontrée sur le chemin ? Nous ne savons pas. Mais sa beauté juvénile et le bonheur intérieur qui l’habite dans l’attente de l’enfant à naître, nous émeuvent profondément.

En observant mieux le personnage masculin, nous remarquons que du sang coule de la croûte du pain et éclabousse son pied nu. Entre lui et la jeune femme, une cruche bleue où sont plantés trois épis de blé, ainsi qu’une carafe de vin sont posées sur le sol.

Ces différents éléments juxtaposés, le sang, l’eau, le pain et le vin nous poussent à penser qu’il ne s’agit pas ici d’une simple scène villageoise, mais bien d’une cérémonie eucharistique qui est en train de se dérouler dans la plus extrême simplicité, le plus extrême dénuement.

De plus, cet épisode si particulier se déroule un vendredi, comme l’indique le titre – et ce n’est pas un hasard – jour de la Crucifixion et de la mort du Christ dans les Evangiles, ce qui charge le paysan d’une « mission » toute apostolique, à la fois divine et humaine.

Porté par cette certitude qu’un événement important est en train de se produire, notre regard se dirige spontanément à l’arrière-plan du tableau, sur un petit personnage en rouge et noir, situé au point de convergence des lignes de construction de l’ensemble et qui baigne dans une lumière surnaturelle.

Seul parmi les quatre autres, courbés vers la terre et occupés à des activités quotidiennes, ce personnage lève la tête vers le ciel, comme hypnotisé par un vol d’oiseaux noirs et une silhouette transparente qui marche en état d’apesanteur en irradiant tout l’espace. Tout est suspendu à cette vision miraculeuse. Le Divin est à l’oeuvre.

Les teintes douces, à dominante mauve, grise, bleue, jaune, brune se combinent en un mélange un peu irréel, voire surréaliste, qui contribuent à notre émotion silencieuse et à notre éblouissement intérieur.

Dans ce dessin exceptionnel, Jean-Pierre Rémaut célèbre le travail qui rend sa dignité à l’homme, la souffrance qui le magnifie, l’amour terrestre et divin qui l’embellit, à Ia fois dans son intériorité et son universalité. Nous pénétrons dans un autre monde.  

Marie José CAMAZON (02/2017)

Auteur de l’ouvrage : Poèmes à mettre entre toutes les mains et

De la mort de Marat à Véronique, avec des dessins de Jean-Pierre Rémaut.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les mystères insondables de la création artistique : l’histoire du pantalon.

*** Alors que l’on demandait à Jean-Pierre Rémaut pourquoi il avait peint le pantalon du paysan avec des motifs à losanges qui rappelaient le costume d’Arlequin, personnage célèbre de la commedia dell’arte, voici ce qu’il répondit :

« Pourquoi j’ai coloré ce pantalon ainsi ?  A vrai dire, c’est un peu le hasard des choses. En fait, c’est comme d’habitude, un autoportrait et je voulais, à l’origine, me fabriquer un pantalon bariolé de couleurs et de coups de pinceaux, car j’avais montré à des amis qui étaient venus me voir, ma blouse d’étudiant des Beaux-Arts que j’ai gardée et que je n’ai pas quittée pendant treize ans. C’est une relique, mais JAMAIS je ne m’en séparerai. Elle est salie par toutes les couleurs essuyées, elle n’a aucune valeur, mais c’est Ma blouse.

Donc, je voulais peindre le pantalon à l’image de ma blouse et, en fait, au fur et à mesure que je progressais, les taches sont devenues de plus en plus géométriques. Cela m’a fait penser à I ‘Arlequin de Picasso, avec un clin d’œil  à Marc Chagall dans certaines de ses peintures murales. J’ai rajouté mon pinceau et mes crayons dans ma poche et volontairement serti le pantalon d’un trait noir en contour pour le détacher de la coloration du fond. Quelle aventure, ce pantalon ! »